L’équipe d’un cheval de course se heurte à un facteur de taille : le cheval ne s’exprime pas. Survient alors un enjeu majeur en matière d’entraînement de chevaux de course : comment trouver le point d’équilibre entre surentraînement et sous-entraînement ? Entraîneurs, jockeys et vétérinaires doivent ainsi se fier à leurs instincts et ressentis afin d’adapter l’entraînement à chaque cheval et assurer le bien-être de cet animal. L’utilisation de la data joue un rôle essentiel dans la quête du point d’équilibre. En effet, les données collectées permettent de faire parler le cheval grâce à l’utilisation d’informations tangibles : il est alors possible de quantifier le niveau de forme et la récupération du cheval et de s’assurer que l’entraînement lui correspond.
Le syndrome du surentraînement chez le cheval
Tout comme chez l’homme, le syndrome du surentraînement est connu comme étant un état de fatigue chronique marqué par une diminution prononcée de la performance. C’est la conséquence négative d’un rapport déséquilibré entre la fatigue induite par les exercices effectués à l’entraînement ainsi que la capacité récupératrice de l’organisme. Les phases de récupération sont essentielles au bon fonctionnement de l’organisme d’un cheval. En effet, l’entraînement induit des modifications de l’équilibre des différents systèmes de l’organisme. Introduire des phases de récupération permettant le rééquilibrage de ces systèmes est nécessaire pour veiller à préserver la santé des chevaux athlètes.
L’origine du syndrome est complexe et composée de plusieurs facteurs métabolique, endocrinien et nerveux. De plus, l’apparition progressive des symptômes rend son diagnostic difficile. Une prise en charge tardive couplée à une diminution de la charge d’entraînement ne permet pas au cheval concerné de récupérer correctement afin de retrouver ses capacités initiales. Le traitement de ce syndrome requiert une période de convalescence totale de plusieurs semaines : cela peut grandement compromettre la carrière d’un cheval de course.
Quels sont les symptômes ?
Sans examen clinique complet, il est tout de même possible de repérer un cheval surentraîné grâce au suivi de trois paramètres mesurables : la performance (notamment par la data collectée), le poids et le comportement du cheval.
La baisse de performance est le premier symptôme facilement repérable. Le cheval n’est plus capable de tenir son effort aussi longtemps qu’avant. Le deuxième symptôme concerne la perte de poids sans réelle perte d’appétit. Cet élément est précoce et survient généralement trois semaines avant la baisse de performance. Cependant, ce symptôme est moins facilement détectable. Enfin, le dernier symptôme concerne la modification du comportement des chevaux surentraînés. Bien que difficilement quantifiable et qualifiable, il est possible de remarquer une forte irritabilité ou bien une réticence au travail. Ces modifications sont très diverses et restent propres à chaque cheval.
A court terme, le surentraînement peut être corrigé rapidement grâce à l’arrêt temporaire de l’entraînement, on parlera alors de surentraînement de court terme. Cependant, s’il persiste depuis longtemps, l’arrêt temporaire de l’entraînement ne permettra pas de le corriger car le syndrome de surentraînement aura déclenché des modifications métaboliques, endocriniennes et comportementales.
Le sous-entraînement
Le sous-entraînement peut être défini comme un manque d’entraînement du cheval athlète. Ce dernier n’a jamais été entraîné avec une charge de travail semblable à celle demandée lors d’une course ou d’une compétition et son organisme serait alors dans l’incapacité de tenir son effort. Cet état peut s’avérer dangereux pour la santé du cheval car le manque de préparation pourrait conduire à un accident.
L’entraînement permet l’amélioration des qualités physiques, physiologiques, techniques et mentales d’un cheval. Il est la clé de la réussite pour le renouvellement de la performance puisqu’un cheval entraîné supportera mieux la charge de travail de la course, et récupèrera mieux qu’un cheval non entraîné. Il permet ainsi de préserver la santé du cheval athlète.
Comment détecter un cheval sous-entraîné ?
Pour repérer un cheval sous-entraîné, l’analyse des paramètres physiologiques couplée à celle des paramètres sportifs apporte une bonne clé d’analyse. En effet, un cheval pour qui l’exercice a été facile n’atteindra pas sa fréquence cardiaque (FC) maximum et sa courbe de FC chutera immédiatement après que le cavalier arrête la sollicitation. Par ailleurs, on peut aussi analyser l’évolution et la fréquence de ses travaux de vitesse : grâce au suivi longitudinal du cheval, on peut comparer d’un entraînement à l’autre les temps démontrés à l’entraînement, en gardant à l’esprit des repères de temps de course. Il est intéressant de pousser les chevaux de manière ponctuelle afin d’étudier leurs réelles aptitudes physiques : ce sont les vitesses atteintes qui permettent d’objectiver ces aptitudes.
Les phénomènes de sous-entraînement proviennent généralement de la difficulté à individualiser la charge de travail de chaque cheval.
Adapter le travail d’un cheval sous-entraîné – Cas pratique
Dans l’exemple suivant, Arion est un cheval de Groupe arrivé chez son entraîneur en octobre 2020. Utilisateur de la solution Equimetre, il a pu monitorer les entraînements d’Arion dès son arrivée afin de commencer la constitution de sa base de données.
Après avoir gagné de nombreuses courses, l’entraîneur a observé de mauvais résultats sanguins suite à une course. L’entraînement a donc été mis en pause durant quelques temps.
Une fois rétabli, Arion a repris l’entraînement mais n’a jamais retrouvé son fitness d’avant ses succès en course.
En effet, sur les données présentées ci-dessus nous pouvons remarquer que pour un entraînement à intensité similaire, la capacité de récupération d’Arion s’est quelque peu dégradée : sa fréquence cardiaque après l’effort est de 166 BPM contre 114 BPM lorsqu’il est arrivé en octobre. Il en est de même pour sa récupération 5 mins après la fin de l’effort. À partir de ce constat, l’entraîneur a pu questionner les différentes hypothèses expliquant cette perte de fitness. En interrogeant l’ancien entraîneur d’Arion, il a pu constater que l’intensité de son entraînement avait diminué, suite à l’emploi d’une méthode d’entraînement différente.
Ainsi, l’entraîneur d’Arion a décidé d’adapter son entraînement et d’allonger la distance de travail tel que nous pouvons le constater sur ces captures d’écran.
Une fois son entraînement réajusté, Arion a pu retrouver son fitness d’avant course et a d’ailleurs gagné d’autres Groupes.
Limités en ressources, en main d’œuvre, il est souvent peu aisé pour les entraîneurs de passer du temps sur l’adaptation de la charge de travail de chaque cheval. En objectivant les données sportives et de récupération, les données d’entraînement peuvent apporter une aide pour former des lots homogènes aux besoins d’entraînement semblables.
Le rôle du test à l’effort
L’intensité d’un entraînement est évaluée par le jockey ou l’entraîneur, sans réel instrument de mesure permettant de qualifier à partir de données tangibles l’effet d’un entraînement sur le cheval.
Un test à l’effort est un moyen de caractériser la capacité de travail d’un cheval grâce à l’objectivation de sa réponse à l’entraînement. A l’issue du test, l’entraîneur et le cavalier sont à même d’adapter la programmation de l’entraînement en fonction des résultats obtenus au test. Le test à l’effort est un outil de mesure du suivi sur le long terme car il permet de connaître le niveau de forme des chevaux à l’instant t, mais aussi de l’évaluer au fur et à mesure de l’entraînement.
Pour trouver le point d’équilibre entre surentraînement et sous entraînement, le test à l’effort s’avère être un atout de taille puisqu’il permet de déterminer quelle charge de travail peut être supportée par le cheval.
Trouver le point d’équilibre grâce à la data
« L’attention au bien-être animal s’est énormément développée ces dernières années : nous devons nous assurer que l’on ne met pas les chevaux dans le rouge par une méthodologie éprouvée plutôt qu’à un « feeling » subjectif. »
Emmanuelle Van Erck, vétérinaire
Afin d’effectuer un suivi sur le long terme et prévenir le surentraînement ou le risque d’accident, deux données sont à monitorer quotidiennement grâce aux capteurs connectés. La fréquence cardiaque et la récupération du cheval sont des éléments permettant de repérer si le cheval tient normalement son effort ou si au contraire, ses paramètres sont différents de ce qu’il a l’habitude de réaliser.
Contrôler les indicateurs de récupération afin de s’assurer qu’ils ne se détériorent pas d’un entraînement à l’autre est une action à mettre en place afin de surveiller le niveau de forme du cheval et de prévenir le surentraînement et le sous entraînement. Si la récupération est mauvaise, des niveaux de fréquence cardiaque anormalement élevés (par rapport au précédents) seront visibles. Il serait alors pertinent de faire intervenir le vétérinaire afin qu’il puisse analyser son électrocardiogramme.
L’utilisation du capteur EQUIMETRE permet aux entraîneurs de demander à leur vétérinaire d’analyser l’ECG d’un cheval ayant des paramètres physiologiques anormaux, le tout à distance. En effet, l’ECG est systématiquement enregistré à chaque entraînement, et grâce aux comptes miroirs d’EQUIMETRE, le vétérinaire y a accès à distance et peut ainsi investiguer un éventuel problème.
C’est l’analyse de la récupération qui peut permettre à l’entraîneur de juger l’assimilation du travail du jour pour adapter la séance suivante. Pour analyser la récupération, 4 zones dans la relecture de l’évolution du rythme cardiaque au cours du travail peuvent s’avérer utiles : vous les retrouverez dans cet article.
Le point d’équilibre est propre à chaque cheval, c’est pourquoi il est nécessaire d’individualiser le travail afin que chacun puisse atteindre un niveau de forme optimal pour maximiser les chances de gagner en course en minimisant les risques de blessure.
Mots-clés : surentraînement, sous-entraînement, chevaux courses, test à l’effort, individualisation de l’entraînement, paramètres physiologiques
Sources
Le Gal, S. and PRIYMENKO, N., 2014. Surentraînement du cheval : quel pourrait être l’intérêt du suivi de la leptinémie ?. Revue Méd. Vét, (165), pp.231-239.
GALLOUX, P. and BESSAT, G., 2018. L’entraînement du couple cheval de sport/cavalier. IFCE.
GALLOUX, P., 2017. Evaluer La Charge D’entrainement. [online] Equipedia.ifce.fr.