Découvrez la première étude scientifique à évaluer l’influence du sexe du jockey sur la performance et la physiologie des chevaux de course.
Le manuscrit en cours de révision pour publication dans Scientific Reports.
Abstract
À ce jour, aucune étude scientifique n’a évalué l’effet du sexe du jockey sur la performance et la physiologie du pur-sang à l’entraînement, principalement en raison du manque de données disponibles pour les femmes jockeys. À l’aide d’un système validé (‘Equimetre’™) qui enregistre des paramètres de fréquence cardiaque, locomotion et GPS simultanément, nous rapportons objectivement l’effet du sexe du jockey sur les paramètres cardiovasculaires (fréquence cardiaque, récupération de la fréquence cardiaque) et biomécaniques (longueur et fréquence des foulées) du cheval de course lors de diverses intensités d’effort (du galop de chasse au canter soutenu). 530 pur-sang de plat, d’âge (2 à 7 ans) et de sexe (hongres compris) variable, provenant d’une seule écurie en Australie, ont effectué un total de 3 568 travaux, monitorés par un seul entraîneur, sur des surfaces de piste variées (sable, gazon, fibrée). 103 cavaliers différents (hommes, n = 66 ; femmes, n = 37) dont n = 43 étaient des jockeys professionnels actifs ou anciennement enregistrés, ont participé à l’étude. Les données ont été analysées à l’aide d’une analyse de la variation (ANOVA) ou de modèles à effets mixtes, selon le cas. Le sexe du cavalier n’a pas influencé la vitesse du cheval (P = 0,06) ni sa longueur de la foulée (P = 0,42) et ce, à aucune intensité de travail. La fréquence cardiaque et la fréquence cardiaque de pointe augmentaient avec l’intensité du travail (P<0,001), sans différence selon le sexe du jockey (P=0,73). La récupération de la fréquence cardiaque après l’effort semble influencée par le sexe du cavalier, mais seulement lorsque l’intensité du travail habituel sur chaque surface est inversée, ce qui suggère une interaction entre l’anticipation du travail par le cheval et le sexe du jockey. Les jockeys masculins avaient un taux de réussite légèrement plus élevé dans les courses en Australie, mais pas au Royaume-Uni. Cette étude ne démontre aucun effet évident du sexe du cavalier sur la performance et la physiologie du pur-sang.
Schrurs, C., Dubois, G., Erck-Westergren, E., & Gardner, D. (2022). Does sex of the jockey influence racehorse physiology and performance. doi: 10.21203/rs.3.rs-1341860/v1.
Les courses de galop sont une tradition qui remonte au 18e siècle au Royaume-Uni. Cependant, ce n’est qu’au milieu du 20e siècle que la première course affiche des femmes jockeys sur le programme de l’hippodrome. De nos jours, plus de 90% des jockeys inscrits aux courses, dans la plupart des nations hippiques, sont des hommes. Il s’agit probablement d’un préjugé inconscient selon lequel les jockeys masculins sont, en moyenne, physiquement plus “forts”, capables de pousser leurs chevaux plus vigoureusement, et apparaîtraient donc comme plus performants dans les courses que les jockeys féminins.
Cette décennie a vu une augmentation marquée de la participation des femmes jockeys à un niveau d’élite dans l’industrie des courses. En 2021, la jockey irlandaise – Rachael Blackmore – est entrée dans l’histoire en remportant plusieurs courses de groupe. Il est clair que le vent tourne ; les propriétaires et les entraîneurs choisissent de plus en plus des femmes jockeys pour monter leurs chevaux. Des histoires à succès telles que celle de Rachael Blackmore façonnent les comportements de pari mondiaux sur les hippodromes et remettent en question la confiance du grand public dans la capacité des jockeys masculins ou féminins à gagner de grandes courses.
Au Royaume-Uni et en Irlande, des recherches antérieures avaient suggéré une sous-estimation de la capacité des femmes jockeys à gagner des courses, telle qu’enregistrée dans le comportement des paris. En course, un avantage concurrentiel peut résider dans la capacité du jockey à contrôler sa monture et/ou moins de poids porté par le cheval (c’est-à-dire le poids du jockey plus la selle). Par conséquent, les jockeys sont pesés avant et après les courses. Dans les courses à handicap, des chevaux de différents niveaux peuvent s’affronter. Pour pallier à cela, certaines montures sont “handicapées” par le poids porté et selon leur performance passées.
Toutes choses égales par ailleurs, un cheval de course, lors d’une séance d’entraînement sur piste, serait-il différent sous quelque aspect qu’il soit lorsqu’il est monté par un jockey féminin ou masculin ? Ce cheval aurait-il plus ou moins de chances de gagner une course ?
Des chercheurs de l’Ecole Vétérinaire de l’Université de Nottingham en Angleterre, en collaboration avec une société externe, Arioneo Ltd, qui a mis au point un dispositif de suivi de la condition physique du cheval à l’effort., et une experte en médecine sportive équine (Dr Emmanuelle van Erck-Westergren ; Equine Sports Medicine Practice, Belgique), ont récemment publié un article répondant à ces questions. Ils ont suivi 530 pur-sang, montés par 103 cavaliers différents (hommes, n=66 ; femmes, n=37) sur un total de 3 568 travaux dans une seule écurie (Ciaron Maher racing) en Australie. Des variables telles que la vitesse, la longueur des foulées, la fréquence cardiaque des chevaux et le taux de récupération ont été enregistrées à l’aide d’un tracker de fitness équin (Equimetre ©).
Equimetre est une solution dédiée au suivi de la santé et de la performance du cheval de course.
Développée spécifiquement pour les professionnels des courses, le capteur et la plateforme d’analyse permettent aux entraîneurs de collecter et d’analyser les données de leurs chevaux simplement et rapidement.
Ces scientifiques ont constaté que le sexe du jockey n’avait aucun effet sur les résultats mesurés objectivement, qu’il s’agisse de galops de chasse ou de canters soutenu sur la piste. Cette absence d’effet du sexe du jockey à l’entraînement se traduirait-elle également dans les résultats réels des courses, où de nombreuses autres variables entrent en jeu ? L’analyse des résultats de 52 464 courses montre que les jockeys féminins ont un pourcentage de victoires (sur le nombre total de départs) similaire à celui des jockeys masculins au Royaume-Uni (10,7 % pour les femmes et 11,3 % pour les hommes). En Australie, les jockeys masculins avaient un pourcentage de victoires légèrement plus élevé (11,0 % contre 9,9 %), mais ce résultat était annulé par la prise en compte des trois premières places. Dans l’ensemble, les chercheurs ont constaté un effet minime du sexe du jockey sur les résultats de l’entraînement et des courses.
Certains effets assez surprenants ont été observés. Par exemple, la récupération de la fréquence cardiaque des chevaux après l’effort semblait influencée par le sexe du cavalier, mais uniquement lorsque l’intensité de l’effort sur chaque surface de piste (gazon ou sable) était inversée. Les cavaliers masculins, plus que les femmes, ont peut-être anticipé l’intensité du travail “attendu” (par exemple, un canter soutenu sur gazon) et leur anticipation a été transmise fidèlement au cheval, qui a répondu par une fréquence cardiaque plus ou moins élevée. Des travaux supplémentaires sont toutefois nécessaires pour confirmer cet effet. Si l’on considère l’ensemble des séances d’entraînement, aucune différence dans les taux de récupération attendus des chevaux n’a été constatée entre les jockeys masculins et féminins.
L’étude récemment publiée est la première à évaluer objectivement si le sexe du jockey exerce une influence sur un aspect quelconque de la physiologie et de la performance des chevaux de course. Les données suggèrent de manière convaincante que la réponse est non et offrent une nouvelle perspective sur l’équilibre possible entre les jockeys masculins et féminins sur la ligne de départ des courses. Les efforts visant à favoriser un environnement de course plus “inclusif” contribueraient grandement à l’égalité des chances pour les jockeys femmes et à la promotion d’une compétition équitable dans ce sport hautement populaire et fascinant.
À propos des auteurs
Toutes questions relatives à l’étude peuvent être adressées à Charlotte Schrurs (PhD candidate) et au professeur David S. Gardner de l’école vétérinaire de l’université de Nottingham : charlotte.schrurs@nottingham.ac.uk et david.gardner@nottingham.ac.uk.