Caractérisée comme l’arythmie la plus fréquente chez le cheval de course, la fibrillation atriale est définie comme une contraction désordonnée des fibres musculaires auriculaires qui conduit à un rythme cardiaque désordonné, et peut conduire à une tachycardie. La fibrillation atriale se traduit par une diminution importante des performances. Elle représente un danger pour la sécurité du cheval et de son jockey si elle survient en course.
Il existe différents types de fibrillation atriale. Une fibrillation atriale est dite persistante lorsqu’elle est caractérisée par un rythme cardiaque irrégulier persistant qui ne peut se restaurer seul. Une fibrillation atriale est dite paroxystique lorsque le rythme sinusal se restaure spontanément dans les 48h après le début de la fibrillation.
Une récente étude s’est intéressée aux conséquences des épisodes de fibrillation atriale survenus après course. L’objectif est de déterminer leur incidence sur la santé des chevaux et sur leur carrière, ainsi que de déterminer si ces derniers sont sujets à une récurrence d’épisodes de fibrillation atriale après course. Cette étude est parue dans le Journal of Veterinary Internal Medicine en 2021 et a été écrite par Nath L, Elliot A, Weir J, Curl P, Rosanowski S et Franklin S.
Cet article a pour objectif de présenter l’étude réalisée ainsi que les différents résultats qui en découlent.
Objectifs de l’étude
L’étude a pour objectif d’étudier l’impact d’un épisode de fibrillation atriale (paroxymale ou persistant) survenu après une course sur la longévité de la carrière du cheval de course. Les scientifiques se sont également intéressés à l’éventuelle possibilité de récurrence d’un épisode de fibrillation atriale (FA) survenu après course.
Méthode
La population de l’étude compte 4 684 chevaux du Hong-Kong Jockey Club. La période d’étude est comprise entre le 31 juillet 2007 et le 31 juillet 2017 et 96 135 départs de course ont eu lieu au cours de cette période. Le départ de course est défini comme l’engagement d’un cheval dans une course. Un épisode de FA est diagnostiqué par l’écoute d’un rythme cardiaque irrégulièrement irrégulier dans les 60 minutes d’après course.
Inspection vétérinaire après course
Le diagnostic d’une potentielle fibrillation atriale est réalisé après la course par un vétérinaire à la demande des commissaires. Les chevaux concernés par ces examens sont ceux ayant réalisé une performance décevante ou ayant présenté une anomalie durant la course. Les inspections vétérinaires sont effectuées dans les 30 minutes suivant la course et consistent en une auscultation cardiaque et respiratoire, un examen de boiterie et une palpation des structures musculo-squelettiques, ainsi qu’une endoscopie des voies aériennes supérieures.
Résultats de l’étude
L’étude des registres médicaux du HKJC a permis d’identifier 280 épisodes de fibrillation atriale chez 230 chevaux.
Le tableau ci-dessous présente les résultats de l’étude selon les antécédents médicaux des chevaux : en fonction du type de l’épisode précédent et la fréquence. Les résultats sont exprimés pour 100 chevaux.
(n chevaux ayant subi une FA/ n population) | Incidence pour 100 chevaux (IC 95%) |
Population totale (230/4 684) | 4,9 (4,3-5,6) |
Un seul épisode (185/4 684) | 3,9 (3,4-4,6) |
Deux épisodes (40/4 684) | 0,85 (0,6-1,1) |
Trois épisodes (5/4 684) | 0,1 (0,0-0,2) |
Incidence par départ pour 260 épisodes de fibrillation atriale après course durant la période d’étude de 10 ans.
Nath, L., Elliott, A., Weir, J., Curl, P., Rosanowski, S. and Franklin, S., 2021. Incidence, recurrence, and outcome of postrace atrial fibrillation in Thoroughbred horses. Journal of Veterinary Internal Medicine, 35(2), pp.1111-1120.
La fréquence globale de fibrillation atriale chez les chevaux engagés en course est de 4,9 pour 100 chevaux. Cette fréquence est de 3,9 chez les chevaux ayant déjà subi un épisode de fibrillation atriale.
Impact sur la récurrence des épisodes de fibrillation atriale
En termes de récurrence, 25% des chevaux ayant déjà subi un épisode de FA sans être arrêtés ont connu un nouvel épisode. Cinq chevaux n’ayant pas été arrêtés après le deuxième épisode de fibrillation atriale ont subi un nouvel épisode. Onze chevaux ont continué l’entraînement après un épisode de FA persistante, et parmi eux, 7 ont connu un nouvel épisode.
Le tableau ci-dessous permet de comparer la récurrence des épisodes paroxystiques avec celle des épisodes persistants. On peut également comparer la récurrence selon le nombre d’épisodes subis préalablement.
Type de l’épisode précédent |
n chevaux récurrents / n chevaux avec un épisode précédent |
Récurrence par cheval |
Suivant tout type d’épisode |
50/199 |
25,1 (19,2-31,8) |
Un épisode précédent |
45/184 |
24,5 (18,4-31,3) |
Deux épisodes précédents |
5/15 |
33,3 (11,8 – 61,6) |
Paroxymal |
42/184 |
22,8 (17,0-29,6) |
Persistant |
7/11 |
63,6 (30,8-89,1) |
Récurrence des fibrillations atriales chez les 184 chevaux ayant continué l’entraînement après leur premier épisode.
Nath, L., Elliott, A., Weir, J., Curl, P., Rosanowski, S. and Franklin, S., 2021. Incidence, recurrence, and outcome of postrace atrial fibrillation in Thoroughbred horses. Journal of Veterinary Internal Medicine, 35(2), pp.1111-1120.
L’indice de récurrence de fibrillation atriale est plus élevé chez les chevaux ayant déjà subi un épisode de FA persistante. La proportion de chevaux présentant une récidive après un précédent épisode de FA persistante (7 sur 11; 64 %) est plus élevée que pour les chevaux présentant un épisode paroxystique (42 sur 184; 23 %).
Impact sur la longévité de la carrière des chevaux de course
De plus, le graphique ci-contre illustre l’incidence de la récurrence des épisodes (que ce soit 1, 2 ou 3) sur l’impact de la durée de la carrière des chevaux. Nous constatons qu’aucun impact négatif significatif n’est mis en avant pour les chevaux ayant subi un ou deux épisodes au cours de leur carrière. Pour les chevaux ayant expérimenté 3 épisodes de FA, la courbe de longévité s’arrête un peu plus tôt.
Détecter une fibrillation atriale
Il est important de noter que la plupart des variations anormales présentent dans les ECGs des chevaux diagnostiqués était associée à un rythme cardiaque très élevé. Lors de l’auscultation, le vétérinaire peut distinguer une intensité de bruits variable et un rythme cardiaque irrégulièrement irrégulier.
Ainsi, une fréquence cardiaque élevée pourrait être synonyme d’une éventuelle dégradation du rythme sinusal. Le rythme sinusal correspond à la synchronisation correcte de la contraction du cœur suivant la séquence nœud sinusal (d’où le nom), oreillettes, nœud atrioventriculaire, ventricules.
Un ECG collecté au cours de l’effort permet de confirmer le diagnostic de fibrillation atriale.
Exemple concret
Un jeune mâle de 3 ans monitoré quotidiennement par EQUIMETRE a été diagnostiqué grâce au suivi de sa fréquence cardiaque au cours de l’exercice.
Sur cette capture d’écran de la plateforme d’analyse Equimetre, nous pouvons voir que la fréquence cardiaque est anormalement élevée. En effet, le cheval atteint une fréquence cardiaque supérieure à 200 BPM dès le début de son exercice.
Cette donnée, associée à un résultat en course décevant a alerté l’entraîneur. Ce dernier a alors extrait l’électrocardiogramme enregistré par Equimetre afin de le partager à son vétérinaire. Ce dernier a alors confirmé le diagnostic d’une fibrillation atriale.
Limites de l’étude
Cette étude comporte cependant certaines limites. Dans un premier temps, seuls les chevaux ayant sous-performé ont été soumis à un examen vétérinaire. Une grande partie de la population de l’échantillon n’a donc pas été examinée après la course. De plus, les chevaux analysés reflètent la population du HKJC : ce sont principalement des hongres (224 sur 230 chevaux, les 6 autres étant des étalons).
Certains épisodes silencieux ne sont pas cliniquement détectables et échappent donc à cette analyse. Des épisodes silencieux de FA paroxystique peuvent se produire fréquemment au cours de l’entraînement et en course, et l’effet cumulatif de ces épisodes peut entraîner une charge plus importante de FA et une FA de plus longue durée. Celle-ci est alors plus susceptible de limiter les performances et d’être détectée cliniquement.
Conclusion
Les fibrillations atriales constituent les principales causes d’intolérance à l’effort d’origine cardio-vasculaire chez les chevaux. Leur détection constitue ainsi un enjeu de taille pour l’industrie équine afin d’améliorer le bien-être des équidés et limiter le risque d’accident sur le champ de course. L’utilisation d’un système de suivi du cheval à l’effort permet de détecter précocement les anomalies cardiaques. Par exemple, notre capteur connecté EQUIMETRE permet de mesurer la fréquence cardiaque et collecte l’ECG automatiquement au cours de l’effort. Ces nouvelles technologies sont une avancée dans le domaine du bien-être et de la santé des équidés.
Mots clés: fibrillation atriale cheval de course, pathologie cardiaque cheval, ECG cheval, vétérinaire équin, prévention, race and care
Références
Nath, L., Elliott, A., Weir, J., Curl, P., Rosanowski, S. and Franklin, S., 2021. Incidence, recurrence, and outcome of postrace atrial fibrillation in Thoroughbred horses. Journal of Veterinary Internal Medicine, 35(2), pp.1111-1120.
Van Loon, G., Mattys, H., De clercq, D. and Decloedt, A., 2019. Traitement de la fibrillation atriale chez le cheval : la cardioversion électrique transveineuse. Pratique vétérinaire équine, (201).