En course, les aptitudes de vitesse d’un cheval semblent être déterminantes pour sa réussite. Cependant, tous les chevaux ne courent pas de la même façon, chacun a une foulée qui lui est propre et qui définit ses aptitudes sportives. Pour augmenter sa vitesse le cheval augmente sa cadence et son amplitude. L’amplitude évolue-t-elle de la même manière que la cadence ? Comment les chevaux adaptent-ils leur amplitude et leur cadence à une vitesse donnée ? Qu’est-ce qui caractérise un bon cheval ?
1. La locomotion à la source de la vitesse
Pour atteindre une certaine vitesse, le cheval effectue des foulées de longueur et de durée déterminée. La cadence d’un cheval augmente linéairement avec la vitesse jusqu’à atteindre une cadence maximale. La cadence varie de la même manière s’il faut passer de 25 à 30km/h que pour passer de 55 à 60km/h.
Contrairement à la cadence, l’amplitude n’évolue pas linéairement. Son évolution dépend de la vitesse considérée et est plus importante à faible vitesse qu’à grande vitesse. Cela souligne qu’à haute vitesse, une variation en cadence produira une plus grande accélération.
Les courbes représentant l’amplitude et la cadence en fonction d’une vitesse sont propres à chaque cheval. Chacune des courbes décrit la manière dont le cheval accélère, la variation de la durée et de la longueur des foulées, de même que sa cadence ou son amplitude maximale. Chaque cheval est unique et son profil locomoteur est une aide précieuse pour connaître son potentiel ou décider de la distance de course sur laquelle l’engager.
Nous avons comparé deux chevaux monitorés à l’entraînement avec Equimetre. Ces deux chevaux possèdent des profils locomoteurs bien différents. On constate qu’Arion I a une cadence très élevée alors qu’Arion II travaille beaucoup plus en amplitude.
Ces graphiques représentent les courbes d’amplitude et de cadence en fonction de la vitesse pour deux chevaux : ARION I et ARION II.
2. Stratégies d’accélération et locomotion
Durant la course, les chevaux sont soumis à de nombreux changements de rythme. Ces changements de rythmes sont dû au terrain, au train de course ou à une volonté du jockey. Cela incite les chevaux à adapter en permanence leur locomotion. Ils doivent être en mesure d’accélérer ou de ralentir suivant les circonstances. Idéalement, ces variations s’effectuent rapidement en dépensant un minimum d’énergie. Le cheval s’adapte en modulant d’abord sa cadence, puis ses foulées afin d’atteindre le couple cadence-amplitude pour lequel il est le plus à l’aise à cette vitesse. Les variations d’allure dans une course s’effectuent grâce à une variation de la durée des foulées en début de course ou lors du sprint final.
Le graphique suivant (HIRAGA, YAMANOBE and KUBO, 1994) montre l’évolution de la cadence et de l’amplitude pour les 30 premières foulées au départ d’une course. Il est clair que si la cadence atteint dès le début sa valeur nominale, l’accélération se fait grâce à l’augmentation progressive de l’amplitude durant les 20 premières foulées avant de se stabiliser à sa valeur nominale.
Fun fact
Quand le cavalier stimule le cheval avec une cravache, on observe une réduction de la longueur des foulées et une augmentation de la fréquence de celles-ci. Cependant, la vitesse n’est pas significativement influencée. L’utilisation de la cravache agit sur la stratégie locomotrice du cheval plutôt que sur la vitesse (Deuel and Lawrence, 1988) !
En étudiant les données d’entraînements sur plusieurs chevaux, on constate que selon leur rythme, la cadence et l’amplitude ne varient pas de la même manière. Lors des phases de décélération, la cadence a tendance à être moins élevée pour une même vitesse que dans les phases d’accélération. Cela est bien sûr inversé pour l’amplitude qui est plus élevée durant la décélération.
Dans les phases de courses où la vitesse varie peu, les chevaux adoptent spontanément le couple cadence-amplitude qu’ils préfèrent. Comme deux chevaux peuvent progresser à la même vitesse en ayant des cadences et des amplitudes différentes, un cheval peut privilégier une grande amplitude mais une durée de foulée plus longue (cadence plus faible) ou au contraire une foulée très rapide mais peu ample.
En comparant un cheval avec la moyenne à une vitesse donnée, il est possible de déterminer si celui-ci préfère travailler en cadence : il fait des foulées plus rapides que la moyenne, ou en amplitude : ses foulées sont plus grandes que la normale.
Dans cet exemple, Arion II galope à v=5,65 ×2,54=14,3 m/s (soit 51,5km/h) tandis que Arion III galope lui aussi à v=6,1 ×2,36=14,3 m/s. Néanmoins ces deux chevaux ont des stratégies complètement différentes : Arion II privilégie la cadence et Arion III l’amplitude.
Afin de donner aux entraîneurs quelques points de repère, voici l’amplitude et la cadence moyenne calculée en course sur des sections de 200m de galopeurs à une moyenne respective de 70, 65, 60, 55 et 50km/h.
Ce tableau regroupe les mêmes données que le précédent mais pour des courses de trot attelé à des moyennes de 1’10, 1’15, 1’20, 1’25, 1’30 min/km.
3. Comment détecter des futurs performeurs grâce aux paramètres locomoteurs
Le trio cadence, amplitude, vitesse étant lié, il peut sembler évident que plus un cheval a une grande amplitude et une grande cadence, plus il est rapide et performant. Or cela n’est pas nécessairement le cas. En effet, ce n’est pas parce qu’un cheval possède une très grande vitesse qu’il gagnera. Le jockey doit choisir une stratégie en adéquation avec le profil locomoteur du cheval.
Qu’est-ce qu’une bonne foulée ? Quels sont les points de référence parmi les grands champions ? Comment tirer le maximum d’un cheval en fonction de son profil locomoteur ?
En dehors des paramètres théoriques que peuvent être une grande amplitude ou une grande cadence, les scientifiques ont réussi à mettre en lumière des points communs aux chevaux dont l’efficacité des foulées est optimale. Il s’agit surtout de déterminer la manière dont le cheval pose ses membres. Parmi eux :
- Un faible temps de contact au sol
- Une faible oscillation verticale (peu de rebond vers le haut)
- Une grande distance parcourue durant la phase de vol
A ceux-ci s’ajoutent pour les galopeurs :
- Une dissociation du diagonal plus importante
- Une diminution du temps où deux membres sont posés ensemble
L’idée selon laquelle un bon cheval a nécessairement une amplitude importante est un mythe. Si en effet, Secretariat ou Black Caviar possèdent des amplitudes à 8m20 et 8m50 respectivement, celle de Winx n’est mesurée qu’à 6m8. En revanche, sa cadence est tout à fait remarquable : elle peut effectuer jusqu’à 2,8 foulées par seconde ! Sur certaines distances, une cadence très rapide est un véritable atout. Des différences moindres se retrouvent chez les grands trotteurs. Bold Eagle possède une amplitude de 6m4 cependant, il peut, comme Winx effectuer jusqu’à 2,8 voire 2,9 foulées par seconde ! Timoko compte lui plus sur son amplitude dépassant les 6m70 que sur sa cadence de 2,5 foulées par seconde. Face Time Bourbon se situe pour sa part au milieu avec une amplitude de 6m50 et une cadence allant jusqu’à 2,7 foulées par seconde.
En fonction du profil locomoteur de chaque cheval, la distance d’engagement et la stratégie de course diffèrent. Pour un cheval possédant une grande amplitude, il peut être pertinent de lancer le sprint de loin afin de lui permettre d’atteindre sa vitesse maximale en lui laissant le temps d’augmenter la taille de ses foulées jusqu’à leur maximum. En revanche, si sa cadence est très élevée, il est préférable d’attendre le dernier moment, la vitesse maximale sera atteinte rapidement et un sprint débutant de loin risque d’épuiser le cheval qui ne sera alors plus capable de maintenir son allure dans les derniers mètres. Ainsi, une grande amplitude n’est pas « meilleure » qu’une grande cadence, il s’agit plutôt d’utiliser au mieux les points forts de chaque cheval.
En conclusion, chaque cheval augmente son amplitude et sa cadence différemment en fonction de la vitesse souhaitée. Cette évolution représente son profil locomoteur. Si accélération et décélération ne s’effectuent pas de la même manière, il est plus rapide pour un cheval d’augmenter sa vitesse en augmentant sa cadence plutôt qu’en agrandissant sa foulée : un cheval s’adapte à un nouveau rythme d’abord en modifiant sa cadence. Qu’un cheval préfère travailler en amplitude ou en cadence a peu d’importance tant que les engagements et les stratégies de courses sont adaptés.
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