Représentant un véritable défi de diagnostic pour les vétérinaires, la contre-performance peut s’avérer difficile à investiguer si l’entourage du cheval ne bénéficie pas de technologies fiables permettant de collecter un historique de data. En effet, il est difficile de déterminer la cause d’une contre-performance sans un suivi quasi-quotidien. Les symptômes à repérer sont le plus souvent subcliniques, c’est-à-dire qu’ils sont difficilement détectables au repos et à l’effort. La détection de chevaux contre-performants au sein de la filière course est un véritable enjeu pour les institutions. Effectuer un travail de prévention et de détection pourrait en effet permettre d’éviter les accidents graves sur la piste d’entraînement ou le jour J à l’hippodrome.
Afin de détecter les éléments influençant la performance du cheval athlète, il est intéressant d’analyser son évolution au cours d’un exercice car des choses ne se produisant pas au repos peuvent apparaître.
Dans une série de deux articles, nous analyserons deux cas de contre-performance rencontrés par le Dr Emmanuelle van Erck au cours de sa pratique vétérinaire.
Contre-performance inexplicable : l’investiguer grâce à l’ECG
Dans cet article, nous investiguons la contre-performance d’une pouliche de 3 ans. Cette dernière présentait des performances prometteuses lors de sa saison de 2 ans et s’est ensuite blessée au tendon. L’entraîneur a décidé de l’arrêter jusqu’à la prochaine saison. Une fois préparée pour le retour à l’entraînement, la jument a démontré de bonnes capacités et son retour était très satisfaisant. Cependant, un saignement de nez a été détecté après un petit canter. Les pistes n’étaient pas particulièrement profondes et il n’y avait pas de circonstances pouvant expliquer ce saignement.
Afin de rechercher les causes de ce saignement, la première étape consiste à analyser les données de la jument lorsque celle-ci a présenté son saignement de nez.
On peut voir que les données de vitesse sont faibles : l’effort ne monte pas au-delà de 47km/h. L’effort était de faible intensité, mais la fréquence cardiaque monte tout de même de manière très élevée, jusqu’à 217 bpm.
Il est nécessaire d’analyser les données d’un entraînement plus soutenu afin d’observer ce qu’il se passe.
Les données sont normales : la fréquence cardiaque évolue dans le même temps que la vitesse.
Le vétérinaire décide de comparer les données de la jument avec celles des autres juments de son lot, ayant effectué des travaux similaires. Les données ne présentent aucune anomalie de récupération, les deux courbes que l’on superpose ne montrent pas de différence significative. Sa fréquence cardiaque est un peu élevée après l’effort, mais rien de catastrophique n’est constaté.
1ère conclusion : Les données ne présentent aucune explication pour le saignement de nez.
Le vétérinaire décide alors de regarder l’ECG de cette jument. Ce dernier est pathologique et présente 8 extrasystoles supraventriculaires en 1 minute. C’est beaucoup trop fréquent, notamment en phase d’échauffement et de récupération.
2ème conclusion : La jument possède des paramètres relativement corrects. Cependant des arythmies à l’effort sont détectées. Ces dernières provoquent un saignement car la jument est en hyper tension au niveau pulmonaire à chaque fois qu’elle a une arythmie. Lors d’une arythmie, le cœur saute un battement : alors qu’il aurait dû battre et expulser le sang, le cœur continue de s’emplir jusqu’au battement suivant, où il expulse une grande quantité de sang, ce qui met trop de pression dans les vaisseaux sanguins délicats des poumons et les font éclater ce qui produit des saignements.
Il est donc nécessaire d’investiguer les saignements au cours de l’effort. Pour se faire, le vétérinaire a réalisé un lavage bronco-alvéolaire. C’est-à-dire qu’il est venu prélever des cellules dans les poumons afin de les analyser au microscope. L’examen a permis de mettre en évidence des saignements réguliers au niveau des poumons. Bien qu’elle n’ait saigné du nez qu’une seule fois, une hémorragie a eu lieu au niveau des poumons à chaque entraînement. Le vétérinaire doit alors comprendre la raison de ce saignement.
La jument ne présentant aucun problème cardiaque sous-jacent (pas de souffle au cœur, pas d’anomalie cardiaque et une morphologie du cœur normale), le vétérinaire décide d’examiner le tendon. On remarque que ce dernier est anormalement cicatrisé. Cela induit des contraintes à l’effort qui déclenchent une douleur se manifestant par des extrasystoles visibles à l’ECG. Quand la jument travaille sous anti-inflammatoire, elle présente moins d’extrasystole mais ceci n’est pas envisageable en course. C’est donc la douleur qui cause les arythmies à l’origine des saignements.
Il est nécessaire de suivre la jument au cours du temps afin d’évaluer sa tolérance à la douleur grâce aux ECGs. Sans diminution des arythmies, il n’est pas recommandé de la remettre à l’entraînement intense. Si cette dernière est engagée en course, elle risque d’avoir des lésions irréversibles au niveau de son tendon ainsi que des hémorragies plus sévères.
La technologie au service de la performance et du bien-être de l’athlète équin
Le rôle des nouvelles technologies aujourd’hui est de faire le lien entre vétérinaire et entraîneurs. Il est impossible pour le vétérinaire d’être présent tous les jours à l’entraînement. Ainsi, grâce au monitoring, ce dernier peut effectuer un travail de prévention à distance en suivant les indicateurs de ses patients depuis son ordinateur. Si l’entraîneur détecte un signe alarmant, il peut en parler à son vétérinaire et lui montrer l’historique des données. Ces systèmes connectés permettent d’améliorer le suivi des chevaux ainsi que la connexion entre les différents membres de leur entourage.
Les athlètes humains bénéficient tous de ces technologies pour les protéger au quotidien tout en maximisant leurs chances de performer, le monde hippique a à son tour l’occasion de protéger ses athlètes !
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Mots clés: contre-performance cheval de course, perte de performance, analyse de l’ECG, tech for good