Bien que préparés à assumer un effort de course, les chevaux peuvent ressentir une fatigue qui impacte leurs locomotion et résultats. Plusieurs facteurs peuvent induire de la fatigue, tels qu’une diminution importante des réserves énergétiques, la fatigue musculaire, l’accumulation de l’acide lactique dans le muscle…
De plus, le système cardio-respiratoire est lui aussi mis à rude épreuve afin de continuer à assurer l’approvisionnement en oxygène du corps, et notamment des muscles : la fréquence cardiaque reste alors très proche de son maximum pendant un temps important. Au fur et à mesure de la course, en fonction de la distance, les chevaux adoptent des stratégies locomotrices variées afin d’optimiser leurs efforts. Les ordres concernant la stratégie d’accélération pendant la course peuvent dont être réfléchis en fonction des profils locomoteurs de chaque cheval.
Comment évoluent la cadence et l’amplitude au cours de la course ? Y a-t-il des différences de locomotion suivant la distance de la course ? Comment repérer un cheval fatigué grâce à sa locomotion ?
1- Comment les chevaux adaptent-ils leur locomotion au cours d’une course ?
Maintenir une cadence élevée requiert un système cardio-respiratoire efficace, surtout au galop où la respiration suit le même rythme que les foulées (inspire en suspension, expire pendant les trois temps au sol). Lorsque la cadence d’un cheval augmente, c’est-à-dire lorsque la fréquence de ses foulées accélère, sa respiration suit le rythme des foulées. Sur des courses longues, maintenir une cadence élevée tout au long de la course en gardant un souffle suffisant est extrêmement difficile. Cela oblige le cheval à garder un rythme respiratoire très élevé ce qui peut provoquer un essoufflement prématuré.
Pour maintenir une vitesse importante, sur des distances importantes, le cheval doit s’appuyer sur la taille de ses foulées. Une grande amplitude est moins exigeante pour le système cardio-respiratoire puisqu’elle induit un temps de suspension plus élevée et donc un temps d’inspire plus long, néanmoins, les muscles doivent être préparés à cet effort car ils sont plus sollicités en puissance. Lors des derniers 200m, si le cheval en est encore capable, il essaiera de sprinter en augmentant sa cadence et son amplitude. Cette situation idéale peut ne pas être respectée en course, les chevaux devant à tout moment s’adapter au terrain, au train et à leur place dans le groupe.
Lors d’un changement brusque de rythme pendant la course ou afin de se replacer, les chevaux ont tendance à s’adapter à cette nouvelle vitesse en modifiant leur cadence étant donné qu’il est beaucoup plus rapide d’augmenter ou de baisser la durée d’une foulée plutôt que d’augmenter sa taille. C’est pour cela que les meilleurs sprinters sont plutôt les chevaux capables de moduler leur cadence aisément.
Sur l’exemple suivant (données issues de courses en Nouvelle Zélande), il est possible d’étudier la locomotion des trotteurs ayant fini dans les 3 premiers sur des courses de 1950, 1980 et 2000m. La cadence moyenne et l’amplitude moyenne pour chaque intervalle de 200m ont été tracées. Ainsi, on remarque que les chevaux baissent leur cadence et leur amplitude après le départ : une fois bien positionnés, ils gardent un train de couse, pour augmenter fortement leur amplitude dans les 400 derniers mètres afin de prendre l’avantage. En revanche, s’ils sont capables d’augmenter dans un premier temps leur cadence, ils ne sont pas en mesure de la maintenir jusqu’au bout : après avoir accéléré en cadence, ils se reposent sur leur amplitude pour s’assurer une place au finish. Les variations d’amplitude au cours de la course sont liées aux virages.
2- À chaque distance sa stratégie locomotrice
En fonction de la distance de la course, les vitesses seront différentes de même que leur évolution (voir à ce propos, le livre blanc sur la Vitesse). Si sur des distances courtes, les chevaux doivent donner leur maximum et accélérer très fortement dans les derniers 200m, les courses plus longues demandent une gestion plus poussée des moyens du cheval afin de ménager ses forces jusqu’à la fin de la course. La distance d’une course influe sur la vitesse de celle-ci et donc sur la locomotion. Cependant à vitesse égale la stratégie locomotrice gagnante diffère en fonction de la distance. Les derniers 200m sont notamment très impactés par la distance de parcours.
Ce cheval est un bon exemple, il a couru et gagné sur 1980m, 2600m et 3200m en trot attelé. Voici le tableau présentant, sa vitesse moyenne, sa cadence moyenne ainsi que son amplitude moyenne en fonction de la distance de la course.
Comme prévu, la vitesse diminue quand la distance augmente, ce qui induit une diminution de l’amplitude et de la cadence maximale moyenne (base de données de courses néozélandaises).
Afin de pouvoir comparer la locomotion de deux chevaux ayant couru sur des distances différentes, il n’est pas possible de comparer uniquement leur cadence ou amplitude maximale. Etant donné que les courses courtes sont plus rapides, le cheval ayant couru sur des distances moins longues aura nécessairement une cadence et une amplitude maximale plus élevée que l’autre. En revanche, comparer la locomotion à vitesse fixée atteinte dans les deux courses nous donne des informations plus intéressantes sur le profil locomoteur de ces chevaux. Le trio vitesse, cadence et amplitude étant lié, en fixant la vitesse (par exemple à 60km/h au galop et 50km/h au trot), nous obtenons une mesure objective de cette différence.
Cela nous permet d’observer que plus la distance augmente pour une même vitesse, plus les chevaux ont tendance à faire des grandes foulées en restreignant leur cadence. Comme nous l’avons vu, cela leur permet de soulager leur système cardio-respiratoire déjà mis à rude épreuve par l’intensité de l’effort. De plus, il est logique que lors d’une course courte, la cadence soit supérieure. Atteindre une amplitude maximale nécessite un temps plus important, ainsi, sur de petites distances, il est plus efficace de se reposer sur une cadence rapide afin d’atteindre une vitesse élevée. Cette vitesse est atteinte plus rapidement et permet d’acquérir un avantage pour gagner. Ces considérations ne sont valables que pour la course dans sa globalité, et ne sont plus valables en se concentrant uniquement sur le finish.
Sur une course longue, une grande amplitude soulage le système cardio-respiratoire.
Sur une course courte, une cadence élevée permet d’atteindre rapidement une vitesse maximale.
Grâce à une base de données de 150.000 lignes, l’équipe Arioneo a tracé la moyenne des cadences et amplitudes des chevaux classés au trot attelé sur certaines distances. Afin de pouvoir comparer, la locomotion utilisée est prise à 50km/h.
Entre 1600m et 3200m la cadence baisse de 7% tandis que l’amplitude augmente elle de 7%. Conformément à ce qui était attendu, la cadence baisse avec la distance afin de soulager l’appareil cardio-respiratoire tandis que l’amplitude augmente pour maintenir une vitesse conséquente.
Comme pour le trot, ce tableau récapitule la cadence et l’amplitude moyenne des galopeurs à 60km/h selon la distance de course. Il est possible de noter que là encore, la cadence moyenne diminue quand la distance augmente contrairement à l’amplitude qui augmente avec la distance.
Il apparaît donc que les chevaux avec des cadences élevées auraient tendance à gagner sur plus courte distance et que le chevaux avec des amplitudes élevées sur longue distance.
La distance de course influe sur le finish. En fonction de cette longueur la locomotion dans les derniers 200m est donc nettement différente. Lors d’une course longue, les muscles sont souvent fatigués de l’effort qu’ils ont fourni et certains chevaux produisent alors de l’acide lactique, déchet qui diminue leur performance et les contraint à diminuer leur amplitude afin de soulager leurs muscles. Certains ne peuvent ainsi plus augmenter la taille de leur foulée dans les derniers 200m et sont même parfois contraints de la diminuer. Chez les meilleurs chevaux il est possible d’accélérer en augmentant uniquement leur cadence dans la mesure où leur système cardio-respiratoire reste encore en mesure de s’adapter à l’effort exigé. Nous avions au contraire vu que sur des distances très courtes, les chevaux augmentent notablement leur cadence ainsi que leur amplitude lors des derniers 200m.
Nous avons donc tracé les mêmes graphes que précédemment sur 3200m pour les chevaux ayant fini dans les 3 premiers. Cela nous permet d’observer:
1- les différences entre leur stratégie sur 1980m et celle sur 3200m
Nous observons là aussi une diminution de la cadence après le début de la course : une fois placés, les chevaux économisent leur énergie. Durant la course, ils conservent leur cadence quasi constante : les légères variations étant dues aux virages ce qui se voit aussi sur l’amplitude qui varie davantage. Aux 800m, ils durcissent le train de course comme en atteste l’augmentation brusque de la cadence. Bien que l’amplitude ne soit pas encore modifiée elle conserve une valeur haute. Enfin dans les derniers 200m, l’amplitude augmente fort tandis que la cadence, elle, s’effondre. Ainsi, les chevaux attendent beaucoup plus pour augmenter leur amplitude, leurs muscles étant plus fatigués que sur une course rapide. Le train de course avant les derniers 600m, n’est que peu élevé : la différence entre les chevaux s’effectue au finish où seuls les plus en forme tiennent l’amplitude. Là encore, une augmentation de la cadence précède une augmentation de l’amplitude pour le finish.
La longueur de la course influe ainsi sur la cadence et l’amplitude sélectionnée par un cheval. La fatigue apparaissant, le cheval adapte sa stratégie locomotrice de manière globale durant la course mais aussi durant les derniers 200m. La fatigue est donc la pierre angulaire de l’adaptation de la locomotion pour les chevaux de courses.
3- Quel est l’impact de la fatigue sur la locomotion d’un cheval en course ?
Outre les modifications d’amplitude et de cadence qui interviennent suivant la durée et l’intensité de la course, d’autres paramètres hors cadence et amplitude sont aussi affectés par l’effort. Si une fatigue plutôt liée au cardio du cheval influe quasi uniquement sur sa cadence, une fatigue plus musculaire va induire d’autres adaptations qui peuvent être à l’origine de blessures.
Lorsque les muscles accumulent trop de déchets organiques (parmi lesquels l’acide lactique notamment), ils perdent en efficacité. De plus, le manque d’oxygène prive le cerveau d’une ressource précieuse. Les chevaux ne sont plus en mesure de maintenir une foulée régulière car le système nerveux n’est plus assez oxygéné pour continuer à réguler l’organisme. Ils sont de plus soumis à des trébuchements ou posé de pied erratiques, les muscles ne rattrapant plus aussi bien les irrégularités du terrain. Ses membres peuvent alors se désynchroniser légèrement. Cela va se traduire par une baisse de régularité et de symétrie chez les trotteurs.
Afin de répartir leur effort, il est fréquent de voir les galopeurs changer de pied. En effet, galoper à droite sollicite plus le diagonal droit que le gauche. Les muscles de ce côté-ci sont alors plus à l’effort. Ainsi, le cheval change de pied au fil de la course afin de reposer successivement les deux diagonaux et de créer une fatigue uniforme sur les muscles de ses deux antérieurs. Il est rare qu’un cheval courre toute la course sur le même pied de galop. Par ailleurs, l’inspiration survient lors de la phase de projection du galop. Lors d’un changement de pied, cette phase de projection est légèrement plus longue. Dès lors, un changement de pied permet un bol d’air nécessaire pour marquer une coupure pendant la course. Un changement de pied est donc l’occasion d’apporter un surplus d’oxygène réduisant la fatigue cardio-respiratoire.
Conclusion
Les chevaux adaptent donc leur cadence et leur amplitude au fil de la course. Une cadence élevée permet d’atteindre rapidement une vitesse maximale mais sollicite le cœur tandis qu’une amplitude élevée fait plus travailler les muscles et économise le souffle. Sur de longues distances, les chevaux ont tendance à privilégier une foulée ample leur permettant de s’économiser pour le sprint final. Cependant, sur les courses longues, il n’est pas rare que les chevaux ne soient pas en mesure de maintenir leur amplitude. Avec la fatigue, la régularité des foulées baisse de même que leur amplitude et / ou leur cadence.