La qualité de l’air est un facteur important dans le développement de pathologies respiratoires. Parfois fatales, ces dernières limitent la performance des chevaux et mettent en danger leur santé. La poussière, les moisissures, les bactéries ou encore l’ammoniac peuvent irriter, infecter et affecter les voies respiratoires, et donc restreindre les défenses naturelles du système respiratoire.
De petits changements au quotidien peuvent avoir un impact positif sur la santé des chevaux athlètes. Un contrôle strict de l’environnement du cheval est essentiel pour diminuer le risque potentiel, la gravité et la durée des maladies respiratoires.
Notre équipe s’est donc intéressée aux différentes solutions existantes afin de répondre à la problématique suivante : quel est l’impact de la qualité de l’air sur la santé des chevaux de course ? Nous présenterons tout d’abord les différents paramètres ayant une influence sur la qualité de l’air, leur importance ainsi que les solutions pour y faire face.
Assurer une ventilation efficace au sein de l’écurie
Humidité, allergènes, poussières : quels sont les enjeux de la ventilation ?
La conception et la gestion des écuries jouent un rôle central dans la minimisation des poussières, des gaz nocifs et des agents infectieux, ainsi que leur dilution dans l’air.
Afin de réduire l’exposition des chevaux aux allergènes potentiels, les bâtiments doivent être bien isolés, assurer un volume d’air abondant et réaliser l’isolement de chaque cheval autant que possible.
La poussière respirable est, par définition, la fraction des particules en suspension dans l’air qui atteint les voies respiratoires périphériques. C’est au niveau des naseaux des chevaux qu’elle est principalement présente. Les concentrations de poussière respirable dans les écuries varient de 0,15 à 9,28 mg/m3 avec une valeur maximale recommandée de 0,23 mg/m3. La poussière semble favoriser la prévalence et la gravité des maladies respiratoires telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et la propagation d’autres infections.
Le cheval produit également beaucoup de chaleur et d’eau. Une mauvaise ventilation génère une condensation d’humidité sur les murs, le sol et le toit. L’intégration constante d’air frais permet d’augmenter les niveaux d’oxygène, de réduire les moisissures et d’évacuer les matières toxiques en suspension dans l’air, mais également de préserver la qualité du bâtiment.
Comment améliorer la qualité de l’air ?
Les différentes ouvertures présentes dans les lieux de vie en intérieur (fenêtres, portes…) assurent une ventilation naturelle. Un système de distribution d’air efficace évacue l’excès de chaleur et d’humidité. Il restreint la charge de contaminants et les courants d’air, comme indiqué sur le graphique ci-dessous. L’air vicié (air qui a déjà « servi », pollué la plupart du temps), étant plus chaud et moins dense, s’élève pour laisser place à l’air frais. Ce phénomène porte le nom de poussée thermique.
Source : IFCE
Un renouvellement de l’air devrait avoir lieu 4 à 8 fois par heure en hiver afin de s’assurer d’un bon confort thermique et hygiénique.
D’autres conseils simples peuvent être appliqués :
- Offrir de l’air frais aux chevaux en les hébergeant au maximum à l’extérieur ou en les sortant régulièrement dehors.
- Favoriser une conception des écuries qui maximise le taux de renouvellement de l’air.
- Limiter la poussière en stockant les aliments et la litière dans des bâtiments spécialement conçus à cet effet (idéalement à 50 mètres des boxes), car ils génèrent de la poussière chaque fois qu’ils sont manipulés.
- Nettoyer quotidiennement les boxes et les stalles et si possible, faire sortir les chevaux pendant le nettoyage.
- Limiter l’utilisation des souffleurs, car ils dispersent de fines particules dans l’air (très douloureuses pour le cheval lorsqu’elles s’installent en profondeur des voies respiratoires).
Offrir une atmosphère adaptée aux chevaux de course
La présence d’animaux dans un bâtiment décuple la température et crée de l’humidité. Cette combinaison forme un environnement propice aux bactéries et moisissures (comme les champignons). Ces germes peuvent être responsables de maladies, non seulement dans les voies respiratoires, mais aussi sur la peau ou dans l’intestin.
L’impact de l’humidité
En moyenne, un cheval produit plus de 8 litres d’eau par jour, uniquement pour sa transpiration.
L’humidité joue un rôle sur la survie, le développement et la virulence des germes pathogènes. Une forte humidité peut entraîner des problèmes d’odeur, le développement d’agents pathogènes, de moisissures, de condensation et de rouille.
Cet ennemi ne contient pas que de l’eau, mais aussi de micro-organismes tels que l’ammoniac. Une accumulation d’ammoniac peut nuire aux performances et à la vitalité du cheval.
Il est possible de mesurer le taux d’humidité avec un hygromètre. Un taux inférieur à 70% est recommandé afin de limiter la croissance des contaminants pathogènes.
Le rôle de la température
La température affecte la litière, les spores et la multiplication des bactéries.
La zone de confort thermique des chevaux est considérablement inférieure à celle des humains. En effet, la fourchette optimale devrait être comprise entre 5 et 28°C. En dehors de ces valeurs, ils ont besoin de fournir de l’énergie pour se rafraîchir ou se réchauffer. Les fluctuations de température sont également à éviter.
Ne pas négliger l’importance de la litière
L’importance de la litière
Les aliments et la litière sont des facteurs de poussière. Une litière mal entretenue peut être source d’humidité et de gaz nocifs (CO2 ou ammoniac NH3). De même, la saleté augmente le risque de sabots pourris ou d’infections cutanées, et la consommation de paille contaminée accroît le risque d’ulcères. Enfin, le foin est la principale source des petites spores fongiques (cellule reproductrice des champignons) que l’on trouve dans l’air des écuries. Ces spores peuvent pénétrer la litière et se multiplier si celle-ci n’est pas changée régulièrement. Ces particules et gaz peuvent endommager durablement les poumons.
Un box propre permet donc de réduire les problèmes de voies respiratoires, mais aussi de préserver la santé générale du cheval.
Limiter le taux d’ammoniac
L’ammoniac provient de l’urine (un cheval en émet en moyenne 8 à 10 litres par jour) et des excréments des chevaux. L’EPA (Environmental Protection Agency) recommande de ne pas exposer les humains à plus de 1,4 ppm (parties par million).
Le taux classique d’ammoniac présent dans des écuries affecte principalement les voies respiratoires supérieures du cheval. Cependant, à des concentrations plus élevées, l’ammoniac contourne les voies aériennes supérieures pour provoquer une inflammation des voies aériennes inférieures et un œdème pulmonaire, qui surviennent généralement à des niveaux supérieurs à 500 ppm. Les expositions les plus graves avec œdème pulmonaire ont des conséquences potentiellement mortelles. Si vous pouvez sentir l’ammoniac dans l’étable (généralement à partir de 20/30 PPM), c’est qu’elle est déjà au-dessus du seuil recommandé pour une bonne qualité de l’air.
Afin de mesurer de façon efficace le taux d’ammoniac, il faut se munir d’un détecteur de gaz NH3 et prendre la mesure au niveau de la zone de respiration du cheval.
Quelle litière choisir ?
La litière doit être choisie avec précaution. Sur le marché, il existe différentes alternatives. Deux paramètres principaux sont à prendre en compte : la poussière respirable produite et la concentration en spores viables.
Limiter la poussière respirable provenant de la litière
Une étude menée par Fleming K., Hessel E.F. et Van den Weghe H.F.A., publiée dans le Journal of equine veterinary science en 2008 avait pour objectif de déterminer la litière la plus appropriée pour créer un meilleur environnement pour les chevaux.
Les concentrations de particules dans l’air détectées en présence de différents matériaux ont été mesurées dans des conditions pratiques, à l’aide de l’analyseur à mesure gravimétrique TEOM 1400a. Les résultats sont les suivants :
Type de litière | Génération moyenne de particules |
Granulés de paille | entre 111,2 et 149,2 mg/m 3 |
Paille de blé | entre 227,5 et 280,8 mg/m 3 |
Copeaux de bois | entre 140,9 et 141,9 mg/m 3 |
D’après ces chiffres, les granulés de paille semblent plus adaptés, car ils améliorent le climat de l’écurie en termes de formation de particules dans l’air. Une seconde expérience en laboratoire, mesurant également le chanvre et le lin ont démontré que ces deux matériaux présentent la plus forte génération de particules en suspension dans l’air pour toutes les fractions.
En conclusion, en prenant en compte les deux expériences, les granulés de paille semblent contribuer à l’amélioration du climat de l’écurie en ce qui concerne la formation de particules dans l’air.
Une seconde étude menée par Vandenput S., Istasse L., Nicks B. et Lekeux P., publiée dans le Veterinary Quartely en 1997 avait pour objectif d’étudier la qualité de différents types de litière.
Les particules de poussière ont été comptées et dimensionnées avec un compteur optique de particules, le Rion KC-01B, dans différents types de litière, en laboratoire. Les résultats sont les suivants :
Type de matériel |
Poussière respirable (en particules/litre d’air) |
Copeaux de bois | 31 492 ± 12 910 |
Bonne paille | 11 571 ± 4 897 |
Paille de lin | 9 251 ± 1 776 |
Cette étude a révélé que parmi toutes les litières étudiées, les copeaux de bois, même s’ils sont spécifiquement vendus pour les chevaux, ont libéré significativement plus de particules respirables que la plupart des autres matériaux étudiés. Il n’y avait pas de différence significative entre la paille de bonne qualité et la paille de lin.
Les concentrations de spores viables
Cette même étude a mesuré le nombre de particules viables en suspension dans l’air dans les mêmes matériaux. Les trois allergènes incriminés dans la BPCO ont été testés : A. fumigants, F. Rectivigula et T. vulgaris. Le test a été réalisé à l’aide d’un échantillonneur Andersen et d’un milieu nutritif approprié. Voici les résultats concernant la présence de ces allergènes :
Type de matériel |
A.fumigants (en unités formatrices de colonies (UFC)/42.45 L d’air ) |
F. rectivirgula (en unités formatrices de colonies (UFC)/42.45 L d’air ) |
T. vulgaris (en unités formatrices de colonies (UFC)/42.45 L d’air ) |
Copeaux de bois |
710 ± 124 |
53 ± 29 |
79 ± 59 |
Bonne paille |
402 ± 214 |
18 ± 17 |
33 ± 17 |
Paille de lin |
104 ± 23 |
10 ± 9 |
60 ± 13 |
Les valeurs collectées concernant les copeaux de bois ne diffèrent pas significativement de celles de la paille de bonne qualité. Les concentrations d’A. fumigants et de F. rectivirgula sont plus faibles pour la litière de paille de lin que pour les autres sources. Cependant, ces mesures ont été effectuées en laboratoire et sont peu représentatives des variations d’humidité et de température présentes dans les écuries.
Un choix délicat
Pour conclure, le choix de litière reste délicat. Il faut utiliser des matériaux très absorbants tout en limitant les particules de poussière et la concentration de spores viables. Les copeaux de bois commerciaux sont probablement de qualité plus constante bien qu’ils puissent parfois être plus poussiéreux qu’on ne le pense. La qualité de la paille est difficile à estimer et extrêmement variable, dépendant principalement des conditions de stockage. D’autres études seraient nécessaires afin d’affirmer quel type de litière est préférable. En revanche, des matériaux alternatifs peuvent être utilisés pour réduire la poussière et les allergènes dans l’environnement équin immédiat et contribuer à l’amélioration de la gestion des chevaux.
Les risques de contamination liés à la présence de foin
Des problèmes respiratoires causés par des champignons
Les champignons et mycotoxines sont les causes majeures des problèmes respiratoires (surtout le champignon pathogène : Aspergillus Fumigatus, mentionné plus tôt dans cet article). Les champignons qui pénètrent dans les voies respiratoires peuvent causer des inflammations qui peuvent devenir infectieuses, toxiques, allergiques ou les trois.
Les sources majeures de ces champignons sont : le foin, l’ensilage de foin, la paille et l’avoine. C’est un champignon de stockage qui se propage dans les denrées alimentaires stockées en surnombre ou à un taux d’humidité supérieur à 14 %. Lorsque le champignon contamine un aliment ou une litière, le cheval n’a d’autres choix que de respirer ces spores nocives dans l’environnement de son écurie. Le champignon provoque également un niveau d’immunosuppression, qui peut souvent être le précurseur de maladies bactériennes et virales secondaires.
Le foin est une source majeure de poussière respirable, de contaminants (bactéries et moisissures). En effet, il a été récolté et séché dans les champs, il est donc naturellement contaminé par la poussière et les particules comme les moisissures et les bactéries, voire les parasites, surtout lorsque les étés sont humides et pluvieux.
Désinfecter le foin
Pour limiter la prolifération de ces agents, il faut bien stocker le foin. Idéalement, il faudrait également le désinfecter pour qu’il soit plus sain pour le cheval. Pour cela, il est possible :
- D’utiliser des probiotiques. Ils peuvent être mélangés à l’eau utilisée pour le trempage du foin. Les probiotiques se multiplient dans l’eau et éradiquent les petites particules de bactéries et de champignons à l’intérieur du foin. Un trempage de 15 à 20 minutes est suffisant (lorsque le foin est trempé dans l’eau pendant une période prolongée, il perd une partie de ses sucres). Par ailleurs, des études scientifiques ont montré que le trempage du foin dans l’eau claire pendant plus de 30 minutes augmente significativement sa teneur en colonies bactériennes.
- D’utiliser un vaporisateur à foin à haute température. Il s’agit de la méthode la plus efficace. Il élimine toutes les bactéries, les champignons et les virus tout en conservant les propriétés nutritionnelles du foin, ce qui est particulièrement bénéfique pour les chevaux souffrant de maladies pulmonaires chroniques ou d’une inflammation des voies respiratoires.
De plus, il est crucial de trouver un moyen le plus naturel possible pour distribuer le foin au cheval. Le disposer au sol est une solution mais celui-ci doit être propre. Proposer le foin dans un filet à foin ou une mangeoire lente/fourragère possède des avantages : évaluer objectivement la quantité donnée, donner le temps au cheval de manger lentement avec des petites bouchées, dans une position naturelle (ce qui est préférable pour l’estomac) et surtout, garder le foin propre.
Des alternatives au foin telles que les granulés de luzerne, les concentrés mélassés, les grains entiers ou l’ensilage d’herbe existent. L’étude présentée précédemment propose également une analyse de l’alimentation des chevaux. Les ensilages d’herbe d’environ 50 % de matière sèche et les granulés de luzerne se sont avérés être de très bonnes sources de fourrage avec de faibles niveaux de poussière et d’allergènes.
Conclusion
Les chevaux sont des athlètes et ont besoin d’un système respiratoire compétitif pour améliorer leur performance. Les formes d’asthmes équins (IAD, COPD, RAO) et saignements (EIPH) sont des soucis de respirations qui sont une des raisons majeures de mauvaise performance chez les chevaux de course.
De plus en plus de praticiens et de propriétaires réalisent qu’un contrôle strict de l’environnement du cheval est nécessaire pour diminuer le risque potentiel, la gravité et la durée des maladies respiratoires. En effet, il est plus facile de prévenir des problèmes que de les régler. Une bonne qualité d’air dans les écuries au quotidien sera moins coûteux en temps et en argent que d’emmener son cheval chez le vétérinaire.
Plusieurs approches peuvent être adoptées pour améliorer la qualité de l’air respiré par les chevaux en écurie. La conception et la gestion des écuries sont importantes pour minimiser les émissions de poussières, de gaz nocifs et d’agents infectieux, et pour les diluer (renouvellement d’air important, température uniforme et atmosphère saine), mais il faut également prêter attention à l’alimentation et à la litière des chevaux, qui constituent les principales sources de poussières et d’allergènes dans les écuries.
Mots-clés : qualité de l’air, gestion d’écurie, poussière, ammoniac, foin, litière, alimentation, température, humidité, performance, santé