Nous vous présentons le cas d’un jeune cheval en pleine préparation pour les ventes de Breezes. Aujourd’hui à l’entraînement, il a déjà remporté deux victoires sur 1200 mètres en trois sorties, durant la fin d’année de ses 2 ans. L’analyse de ses données montre une fréquence cardiaque très basse que nous allons expliquer grâce à l’analyse de son profil locomoteur et une échographie de son cœur.
Analyse de la fréquence cardiaque
Au cours de sa préparation pour les ventes, nous avons d’abord constaté qu’il disposait d’une fréquence cardiaque maximale assez faible, n’excédant jamais 208 BPM à presque 70 km/h.
Rappelons que la fréquence cardiaque maximale n’est pas un indice du niveau de fitness ou de performance, et se situe généralement entre 204 et 241 BPM (Evans, 2007).
Données issues de la plateforme EQUIMETRE
Analyse du profil locomoteur
En ce qui concerne son profil locomoteur, le poulain présente une cadence très élevée et nettement visible sur la piste : il atteint 2,72 foulées par seconde. Ses foulées dépassant rarement 7 mètres, nous en déduisons donc un profil locomoteur de sprinter.
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Les sprinters : Les sprinters sont des chevaux qui atteignent pleinement leur potentiel sur des courtes distances. Afin d’atteindre rapidement des vitesses élevées, les chevaux dits « sprinters » vont développer une fréquence de foulées très soutenue (plus de 2,45 foulées par seconde). Cependant, cette cadence très soutenue n’est pas tenable pour le cheval sur une longue distance.
Les milers & stayers : Ces chevaux courent sur des distances plus longues. En général, les milers sont engagés sur des distances de 1600m et plus tandis que les stayers courent sur 2400m et plus. Ces courses demandent un niveau d’endurance très important.
Respiration et locomotion
Lorsque le cœur bat, il apporte de l’oxygène aux muscles à travers le sang qu’il envoie à chaque pulsation. L’oxygène est un catalyseur d’énergie : il facilite l’utilisation des sucres et des graisses par les muscles. Au début d’un effort, les besoins en oxygène montent en flèche, c’est pourquoi la respiration s’accélère et le cœur bat plus vite.
Le travail du cœur et la respiration du cheval durant l’effort sont donc intimement corrélés pour oxygéner les muscles et leur permettre de travailler plus efficacement. Or la respiration du cheval au galop n’est pas si évidente : elle suit le rythme des foulées de manière mécanique. En effet, le cheval est forcé d’inspirer uniquement durant le temps de projection. Pour respirer plus vite, il doit donc augmenter la fréquence de ses foulées afin de répéter ce temps de projection de manière plus rapide, et donc de réitérer ses inspirations.
Schéma de respiration du cheval calqué sur le rythme des foulées au galop
Problématique
En prenant ces réflexions en compte, il peut donc sembler un peu contradictoire qu’un cheval ayant une faible fréquence cardiaque maximale puisse soutenir une fréquence de foulées aussi élevée. En effet, sa fréquence cardiaque et son profil locomoteur semblent incompatibles.
Conclusion
Une échocardiographie du ventricule gauche a permis d’expliquer les capacités physiques du poulain, qui s’avèrent justifiées par un cœur puissant capable d’expulser d’un coup un large volume de sang et donc d’oxygène. Grâce à son débit cardiaque conséquent, son cœur n’a pas besoin de battre aussi vite que l’on s’y attend pour subvenir au besoin d’oxygénation des muscles, et ainsi soutenir cette fréquence de foulées élevée.
En effet, les adaptations cardiaques sous forme d’hypertrophie répondent aux stimuli d’entraînement. L’entraînement entraîne une augmentation de la masse musculaire du ventricule gauche, de la taille de la chambre et de la densité capillaire. Cette augmentation (hypertrophie) entraîne une augmentation de la capacité cardiaque (endurance), qui se traduit à son tour par une augmentation du volume de sang pompé par battement cardiaque (volume systolique). Un volume d’éjection plus élevé signifie que pour un débit cardiaque (flux sanguin) spécifique, la fréquence cardiaque peut être plus faible, car davantage de sang est pompé par battement.
Il est important de noter que la puissance du cœur, révélée par la fréquence cardiaque maximale individuelle, n’est pas corrélée au niveau de performance du cheval. En effet, le cœur n’est pas responsable à lui-seul du niveau de fitness, beaucoup d’autres paramètres rentrent en compte : les capacités respiratoires, musculaires, l’efficacité du système sanguin aussi, et bien d’autres facteurs. C’est pourquoi nous n’avons jamais été surpris de voir des poulains ayant une fréquence cardiaque maximale supérieure à 230 BPM remporter des victoires au plus haut niveau.
Mots-clés : profil locomoteur, fréquence cardiaque, capacités respiratoires, analyse de données, travail du cœur, adaptations cardiaques
Source :
Dr. Allan Davie (2012). Scientific training of Thoroughbred Horses (2nd ed).